Projets pédagogiques particuliers (PPP)
Les PPP sont déjà en vigueur dans nos établissements depuis plusieurs décennies donc plusieurs se trouvent à être des réponses à la compétitivité des écoles privées. Dès leur apparition, ils ont eu des effets sur la composition de la classe, sur l’égalité des chances, sur le temps alloué aux matières et sur la tâche enseignante.
À titre d’exemple, revenons quelques années en arrière à l’époque du gouvernement libéral de M. Charest, en 2011, qui souhaitait imposer des programmes d’anglais intensif. De nombreux débats ont eu court dans les différents milieux et ont mené au développement d’une revendication sur le temps d’enseignement, temps indicatif tel que prévu au Régime pédagogique (RP), afin de protéger le temps d’enseignement de l’ensemble des matières par le biais de l’instauration d’un temps minimum prescriptif dans le RP – dans la même veine, la jurisprudence (SAE 9449) a évolué à ce sujet, car ne nombreux cours voyaient le temps d’enseignement, quoique indicatif selon le RP, fondre comme neige au soleil. Cette décision, la SAE 9449, vise à assurer que le personnel enseignant dispose de suffisamment de temps d’enseignement pour atteindre les objectifs et les contenus obligatoires du programme. N’est-ce pas l’objectif de base des différents programmes?
Suite à cette offensive libérale, nous sommes de plus en plus plongés dans la comparaison entre les taux de réussite des écoles privées et de ceux du secteur public. Or, les taux de réussite supérieurs ne sont pas en relation avec la qualité de l’enseignement qui y est dispensée, mais plutôt appuyé sur la sélection d’élèves issus de milieux socioéconomiques plus favorisés. La ségrégation scolaire se vit différemment d’un territoire à l’autre, mais un constat demeure : cette pratique a un effet sur la classe « ordinaire » dans laquelle on retrouve une plus grande concentration d’élèves HDAA. Ce constat est aussi au cœur des travaux du Conseil supérieur de l’éducation qui, dans Remettre le cap sur l’équité – Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016, énonce le fait que la multitude de programmes dans les écoles privées comme de projets particuliers dans les écoles publiques amènent les parents à magasiner l’établissement scolaire de leurs enfants.
Ce dossier étant toujours d’actualité et se traduisant dans de nombreuses écoles, il était nécessaire, pour la FSE-CSQ, dans le cadre du colloque Maître de notre profession de 2023, de poursuivre les réflexions à ce sujet qui, jointes aux orientations du Congrès 2024 de la CSQ, alimenteront nos réflexions et nos actions pour les prochaines années.
Il ne faut pas oublier que malgré le débat sur l’école à trois vitesses, le gouvernement de la CAQ souhaite que tous les élèves du secondaire public puissent avoir accès à ce type de programme afin d’atteindre une cible de 75% des élèves inscrits dans un PPP pour 2026-2027. Alors que le gouvernement ne peut pas se permettre d’entendre qu’un élève ne puisse « être en rien » (tout ne se passe pas à l’école ou par l’entremise du milieu scolaire), il vient forcer l’atteinte de ces objectifs qui, à la base devraient partir des besoins des milieux en tout respect de la LIP. Cette cible se trouve inscrite au Plan stratégique du ministère de l’Éducation qui, par le biais des Plans d’engagement vers la réussite (PEVR) des centres de services, viendra dicter le tout aux différentes écoles. Partons-nous réellement des besoins des milieux…
Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une cible, et non d’un absolu, et que tout le déploiement de ces PPP doit se faire en tout respect de la LIP – voir l’onglet Participation du personnel enseignant – en ayant à l’esprit certains éléments essentiels :
- La participation du personnel enseignant (LIP);
- Les impacts sur la tâche du personnel;
- Les impacts sur les autres classes, l’égalité des chances et la socialisation en raison de groupes fermés;
- Le respect du RP en tenant compte de la jurisprudence;
- Les impacts sur la composition de la classe « ordinaire »;
- L’accès aux infrastructures et l’utilisation des ressources des différents milieux;
- Le rôle et la valeur attribués à l’institution scolaire : apprentissage ou divertissement;
- …
Il appert que devant une telle situation et une telle directive ministérielle qui, en raison du projet de loi 23 venant attribuer davantage de pouvoirs dans les mains du ministre, viendra mettre davantage de pression sur le personnel et les milieux, il est essentiel de garder en tête qu’il existe l’École avec un grand E, établissement par lequel se vit les 3 missions qui lui sont propres : instruire, socialiser et qualifier. Ces missions doivent s’exercer en tout respect des programmes de formation, de la progression des apprentissages, des cadres d’évaluation, des divers règlements et politiques qui délimitent le terrain de jeu du système éducatif québécois. Il ne faudrait surtout pas perdre de vue cela afin de vouloir répondre, à torts, au besoin d’être « dans quelque chose… ». Être à l’école, agir à titre d’apprenant, en étant impliqué dans ses apprentissages, c’est déjà beaucoup M. le ministre.
Au final, il nous faut, collectivement, nous assurer que le personnel et que les besoins du milieu soient au cœur de la démarche qui devra aller au-delà du souhait du ministre. Sur cet enjeu comme sur d’autres, n’avons-nous pas manifestement la preuve qu’une réelle réflexion collective s’impose sur l’école d’aujourd’hui et particulièrement celle de demain.
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Documents pertinents :
Temps alloué aux matières et projets pédagogiques particuliers